"Je me souviens il me semble..."

[Premier post]

Ce matin-là, le soleil brillait sur Oniria, pas un seul nuage à l'horizon. A Helyanwë, l'animation générale bourdonnait dans les rues, comme tous les jours. Dans le palais, une réunion se tenait. Enfin... Non, il manquait la Reine, encore une fois, elle était en retard. Les conseillers s'agitaient, inquiets. Où était-elle ?

Ce matin-là, dans le palais Royal d'Helyanwë, une jeune reine discutait avec son professeur de musique. Eléa, car c'est bien d'elle que je parle, portait une simple robe vert pâle et avait relevé ses cheveux en chignon. De petites ballerines blanches habillait ses pieds, pratique pour la danse, puisqu'elle sortait de son cours de danse. Elle devait être en réunion, elle le savait, mais elle préférait cent fois parler musique.

"Vous vous souvenez de la valse que vous m'aviez joué la semaine dernière ? Elle m'a inspirée, j'ai écrit quelques paroles dessus, je voudrais vous les soumettre !
- Avec plaisir, Majesté. ^^
- Allez-y, commencez à jouer..."

La petite sen'yo se leva, s'appuyant sur sa chaise, et attendit un peu avant de se mettre à chanter.

"Des images me reviennent, comme le souvenir tendre,
D'une ancienne ritournelle, autrefois en Décembre..."

Elle continua de chanter sur la valse et se mis à danser, seule.

"Je retrouve dans un sourire, la flamme des souvenirs,
Doucement un écho, comme une braise sous la cendre...
Un murmu..."

Elle fut interrompue par l'entrée des plus remarquées de quinze conseillers. Elle s'arrêta brusquement de chanter et s'immobilisa au centre de la pièce. Les applaudissements ne se firent pas attendre et fusèrent des conseillers et de son professeur.

"Arrêtez, je n'aime pas la flatterie, vous le savez !
- Mais, vous avez réellement une voix magnifique ! avança un conseiller.
- Arrêtez je vous dis ! Je sais que vous m'attendez pour le conseil, j'arrive dans quelques minutes, allez m'attendre dans la salle."

Les quinze conseillers sortirent et la Reine se retrouva seule face à son vieux maître.

"Qu'en avez-vous pensé ?
- C'est joli, on peut sentir la sincérité du texte, le fait qu'il sorte du fond de votre coeur.
- C'est venu tout seul...
- Cela s'entend. Il lui fit un sourire entouré de nombreuses rides. Allez-y ou vous allez encore vous faire disputer.
- Comme s'ils allaient oser !"

Elle fit une révérence, un grand sourire à son précepteur et ami, et s'éclipsa, direction la salle de réunion. Cela l'ennuyait déjà d'y aller, mais elle avait une idée derrière la tête depuis un moment, et elle était bien décidée à en parler. Elle entra dans la pièce, tous se levèrent. Elle avait retrouvé une expression des plus sérieuses et avait mis son diadème. Elle s'installa à sa place habituelle, au bout de la table, présidant celle-ci.

"Allons-y..."

De matin ils passèrent à bientôt midi. Le repas serait servis dans une petite heure.

"Bien, nous avons terminé Majesté...
- Pas tout à fait..."

Elle se leva, tourna le dos à ses nombreux conseillers et s'avança vers la grande porte vitrée.

"Je voulais vous parler d'un projet de voyage..."

Un vent souffla parmi ses sujets. "Encore !...", "Oh, non...", "Où nous emmènera-t-elle cette fois ?...". Elle les laissa parler, faisant mine de ne pas les entendre, et ouvrit brusquement la porte, pour se rendre sur le balcon. Elle s'appuya à la rambarde.

"Vous savez que je cherche à me souvenir de mon passé, et que je cherche les différents lieux dans lesquels je me serai rendu, notamment ceux que j'ai vu dans mes rêves..."

Encore une fois, les conseillers murmurèrent dans son dos. Elle se retourna, énervée.

"Cela suffit ! Ecoutez-moi au lieu d'être indiscrets !"

Un lourd silence s'installa, qu'elle brisa aussitôt.

"Cette fois, vous ne me ferez pas aller sur Ända ou dans l'Archipel, je les ai assez vu... Cette fois, je veux aller sur Fìrmar.
- Quelle folie !
- Pardon ?"

Le conseiller baissa la tête.

"Ne soyez pas désobligeant non plus. Je ne vous demande pas votre avis, vous avez une semaine pour me préparer un voyage discret sur l'île, j'irai de manière anonyme, personne ne saura que la Reine Sen'yo est allée rendre visite au Gouverneur de Fìrimar. Prévenez-le par courrier, dans sept jours nous partons."

Elle revint à l'intérieur, et, sans plus de cérémonie, quitta la salle. Une fois dans sa chambre, elle éclata de rire. Elle leur avait joué un mauvais tour à ceux-là !
Elle se changea et alla manger, un nouveau rêve prêt à se réaliser devant elle.

Quatre jours étaient passé depuis cette fameuse journée où la Reine avait ordonné la préparation de ce voyage vers Fìrimar. Les réunions des matins suivants furent rapides et concises, et ils n'y parlaient pratiquement que de sa future visite au Gouverneur de l'île. Une lettre avait été envoyée au Prince Arkam, en quelques mots, la missive expliquait qu'Eléa allait bientôt venir le voir dans le plus grand secret. Elle arriverait dans peu de temps, resterait quelques temps, avec le strict minimum, à savoir, deux malles remplies de vêtements, et deux soldats parmi les plus puissants en terme de magie. Ils se feraient passer pour une simple duchesse et ses frères tous atalanteas, qui feraient une visite au Prince. Dans le pli, une servante attitrée avait été demandé pour la Reine.



Eléa était fort contente de partir loin de ses conseillers. Dans trois jours elle serait à Lingwe et embarquerait sur un navire direction Anfauglith. Elle n'aurait personne pour lui dire quoi faire et elle découvrirait peut-être quelques éléments de son passé. Comme c'était excitant ! Partir dans le pays le plus dangereux de Seleneï après Firin, aller dans le palais d'un prince atalantea et y trouver... Y trouver quoi ?
La Reine se mit à rêver... Qu'allait-elle apprendre là-bas ?



Dans une aile du palais royal réservé aux domestiques, un conseiller de le Reine sortit d'une chambre de bonne. Il mit le dernier bouton de sa chemise et s'apprêta à rentrer chez lui, sa femme l'attendait peut-être... Il avança vers le centre du bâtiment. Il y croisa l'un de ses collègues, souriant.

"Eh bien mon ami ! dit-il, vous avez l'air bien en joie ! Que se passe-t-il donc ?
- Nous avons appris une chose très... intéressante.
- Quoi donc ? Ne faites point durer le plaisir et mettez-moi au courant de toute l'histoire sans plus attendre !
- Eh bien, j'ai discuté avec le médecin de la Reine qui est rentré il y a deux jours de son voyage et..."

L'homme regarda autour de lui, prit le bras de son collègue et approcha son visage de son oreille. Il baissa d'un ton, comme pour lui délivrer un secret.

"Et il semblerait que la "clé" ait une vertu que nous n'espérions pas !
- Oh, dites m'en plus ?
- Elle effacerait peu à peu la mémoire de la Reine... En réalité, les dix premières années, elle ne fait qu'emprisonner les souvenirs, mais par la suite, elle ronge la mémoire et détruit la période vécue petit à petit. Chaque seconde qui passe, la "clé" supprime une seconde de cette triste période où Eléa a perdu la tête.
- Excellent. Cela fait 17 ans, il y a donc 7 ans de cette époque qui a disparu à tout jamais ?
- Exactement, et dans un an tout cela sera fini, nous n'aurons plus à nous en faire de ce côté-là. Plus qu'un an à surveiller la "clé" afin qu'elle ne se brise pas.
- Facile à dire avec ce voyage ! Cette folie !"

Les deux hommes continuèrent leur discussion, se plaignant du caractère difficile de leur Reine, mais tout en sachant pertinemment qu'ils avaient sinon la plus raisonnable, au moins la plus jolie et la plus douce.
Ils se séparèrent au coin d'un couloir, l'un rentrant chez lui, l'autre frappant à la porte d'une jeune apprentie cuisinière.

Trois jours encore étaient passés. Trois longues journées pendant lesquelles Eléa avait purement supprimé les réunions afin que les conseillers puissent préparer son voyage.

D'ailleurs ces derniers temps, ils semblaient tous bien heureux, moins lourds avec elle, moins présents. Ils n'étaient plus perpétuellement en train de la surveiller. Bien sûr, il lui arrivait encore d'en trouver un en train de la suivre, mais c'était devenu plus rare. Elle en était satisfaite d'ailleurs et elle se permettait de rêver un peu plus en regardant dehors, ou d'aller se baigner plus souvent.

Mais aujourd'hui, c'était le jour J, le jour de son départ à Fìrimar. Elle irait à Lingwe à cheval, puis prendrait le bateau vers Anfauglith. Eléa sortit dans la cours du palais, rejoignant les deux soldats déjà en selle, le mulet chargé des deux malles et Tinda, sa jument. Elle était habillé en cavalière, avec une amazone, une veste kaki très cintrée et une jupe de même couleur très longue et large. Elle avait relevé ses cheveux en chignon et portait des bottes de cavalière noires. Elle portait également une grande cape de moire afin de pouvoir rester anonyme.

Ils sortiraient tous les trois par l'arrière du palais, endroit où passaient les domestiques. Eléa monta sur Tinda, en amazone, portant à son côté une fine dague älva légère. Elle fit un sourire à son professeur de musique qui la regardait partir et se mit en marche. Dix minutes plus tard ils quittaient Helyanwë direction Lingwe. Ils mettraient une dizaine de jour à arriver à Lingwe, le mulet les ralentissant énormément.

Ils arrivèrent enfin dans la plus grande discrétion dans la ville portuaire, attendu par la dirigeante de celle-ci.

[Lingwe]