Lettre au Roi de Fìrimar.

Il faisait doux en cette belle matinée ensoleillée, sur la côte au Sud-Est d'Anfauglith. Mais Leyna n'avait pas le temps de profiter du ciel, elle avait énormément de choses à faire aujourd'hui. Elle était levée depuis cinq heures et ne serait pas couchée ce soir avant au moins vingt-deux heures. Là, elle était en train de ramasser des légumes dans son potager.
Elle avait chaud dans son corsage, dans sa jupe verte et dans son tablier sale. Elle avait relevé ses cheveux bruns en une queue de cheval. Elle se redressa et essuya la sueur qui perlait à son front. C'est là qu'elle eut sa première vision depuis plusieurs années. Elle voyait Eléa. "Je veux aller sur Fìrmar."...
Elle rentra vite dans sa maison. Enfin, maison... Disons plutôt cabane.
Celle-ci n'était constituée que d'une pièce, désordonnée, mais propre. Dans un coin, il y avait un lit, défait, avec un face une armoire remplie de parchemin, livre et autres fioles en tout genre. Le coin cuisine était recouvert de divers ustensiles, propres, qui ne servaient que pour la cuisine et pas pour la magie. La pièce était surtout encombrée par une énorme table ensevelie sous des tas de choses magiques, parchemins, grimoires, potions, chaudron, ingrédients.
Pour ce qui était de la toilette, elle devait sortir se baigner dans un petit lac à quelques mètres de la maison.
Elle posa ses légumes dans le coin cuisine et souffla. Elle alla prendre un bain rapide et retourna chez elle.
Elle devait prévenir Arkam. Elle s'assit à sa table et poussa les choses qu'il y avait dessus, priant pour que rien ne se brise. Elle dénicha du papier à lettre, en trouva un avec juste une toute petite tache d'encre sur le coin inférieur droit, mais qui ne se voyait pas beaucoup, et prit sa plume.

Citation :

Cher Arkam,

Te souviens-tu de moi ? Je n'en doute pas. J'ai beaucoup entendu parler de toi, comme quoi tu avais brusquement changé de camp. Je ne pensais pas que ça irait si vite.

Sais-tu qu'Eléa est en route pour Fìrimar ? Je pense qu'elle est en route pour ses souvenirs. Fais attention de ne pas trop en dévoiler, ou du moins pas trop vite, il faut la ménager et ne pas la brusquer. Cela pourrait être dangereux.

Connais-tu aussi la rumeur qui court au sujet d'une prophétie ? Sais-tu ce qu'elle dit ? Y crois-tu ? Qu'en penses-tu ? Ne serait-ce pas l'occasion de reconstituer la Résistance ? Ou ton ralliement à ton père est-il réellement désiré et définitif ? Je sais en tout cas que plusieurs habitants d'Anfauglith ne rateraient pas l'occasion de s'allier à la Résistance. Des anciens résistants tout comme de jeunes nouveaux. En tout cas, sache qu'elle s'organisera avec ou sans toi, même si j'aurai souhaité que tu sois de notre côté.

Tu as changé, j'ai changé aussi, je ne suis plus la jeune fille qui a dit "J'attendrais ton message" la dernière fois que nous nous sommes vus. Mais ce qui n'a pas changé, c'est ma combativité et ma détermination à mettre fin au règne de ton père.

Amitiés,
Leyna.

PS: Je l'ai appelée Aïna, c'est joli non ?

Elle avait écrit de sa belle écriture toute en arrondis et en courbes. Elle plia la lettre et l'attacha à la patte d'une chouette. Elle lui demanda mentalement de ne pas aller à la volière du palais, mais directement au bureau du Roi.
La chouette s'envola et Leyna reprit son activité normale.

Une heure plus tard, l'oiseau était posé sur l'appui de fenêtre du bureau du palais Royal, attendant une réponse.
Dans 24 heures, l'encre magique deviendrait invisible et il serait impossible de la lire, même par magie.

Leyna était en train de manger quand la chouette blanche revint.

"Salut toi, déjà de retour ?"

Elle offrit quelque gratouille sur la tête de l'animal et récupéra la dépêche. Elle mis la lettre dans sa poche et termina son déjeuner pour pouvoir la lire à tête reposée. Elle se disait que la réponse de l'ancien Roi serait assez sèche, il était vrai qu'elle lui avait envoyé beaucoup de reproches. Mais elle s'y attendait.
Elle prit donc son chapeau de paille et s'allongea dans son hamac, lui donnant une vue imprenable sur le lac. Elle resta un instant perdue dans ses pensées et son passé. Quand elle revint à la réalité, elle se rappela qu'Arkam avait répondu. Elle récupéra le mot et sourit devant le seau. Il en faisait trop là. Elle cassa la cire et lu l'écriture familière. Et plus elle lisait, plus elle se redressait. Elle finit assise dans son hamac, stupéfaite.
Elle s'imaginait recevoir un message froid, sec et distant, mais au lieu de ça... Il lui demandait même des nouvelles d'Aïna... Elle eut un sourire. Comme elle était contente. Elle soupira en se laissant retomber. Se pouvait-il que... ? Non bien sûr, il ne fallait pas rêver tout de même. Elle ferma les yeux, réfléchissant à sa réponse. Elle eut un petit rire.

*Il me surprendra toujours !*

Quelques minutes plus tard, elle se dépêchait de rédiger une nouvelle lettre.

Citation :

Cher Arkam,

Je suis heureuse d'avoir eu une telle réponse de ta part, je dois t'avouer que je ne m'y attendais pas. Je sais bien que ma lettre était lourde de reproches à moitié dissimulés, et je te demande de m'excuser.
Je n'ai plus le droit de te blâmer, tu m'as certes laissée, mais le temps a passé. Je dois dire que je suis déçue de voir quel chemin tu empruntes, mais c'est ton choix, et je n'ai rien à y redire, après tout, tu dois être déçu du mien.
La Résistance n'est pas morte, tu sais bien que Claire m'appuiera, j'ai de bons alliés. Tu sers ton peuple, je le conçois, moi je sers mes idées. J'ai confiance en toi, je sais que tu ne me dénonceras pas.

Je sais que la prophétie dit vrai, ton père doit être en train de réfléchir là-dessus.
Je suis sûre qu'Eléa sera discrète, je doute qu'elle arrive en grande pompe, accueille-la comme amie plus que comme Reine. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de mentir. Si elle pose des questions, réponds franchement, c'est le mieux que l'on puisse faire. Alec a-t-il autant changé ? Je cède sur ce point, il faut lui cacher cette partie de la vérité. Je n'aime pas ça.

Autrement, j'aimerai pouvoir te parler, concernant Aïna... et Dulin aussi.
Et je mets ma fierté de côté pour une fois, car en réalité j'aurais une faveur à te demander... Pourrais-je travailler de nouveau au palais ?

Je t'embrasse,
Leyna.

Leyna reposa sa plume et soupira. Comme c'était agréable de lui parler à nouveau.
Elle rappela la chouette.

"Désolée de te donner autant de travail, mais il est possible que ça soit le dernier allez-retour, ma belle !"

Elle regarda l'oiseau s'envoler et retourna dans son hamac. Elle avait beaucoup de choses à faire, mais l'envie n'était plus là. Elle ne faisait qu'attendre sa réponse.